Source : Critiques clunysiennes
Film français de Jalil Lespert Interprètes : Pierre Niney (Yves Saint-Laurent), Guillaume Gallienne (Pierre Bergé), Charlotte LeBon (Victoire), Laura Smet (Loulou de la Falaise) Durée : 1 h 48 Note : 6/10 En deux mots : Entre Vogue et Gala, Jalil Lespert réalise une reconstitution minutieuse et assez ennuyeuse. Le réalisateur : Né en 1976 à Paris d'un père comédien et d'une mère juriste algérienne, Jalil Lespert commence des études de droit. C'est en accompagnant son père sur un tournage qu'il est remarqué par Laurent Cantet qui le fait tourner dans "Sanguinaire" et "Ressources Humaines". Il joue ensuite dans "Le Promeneur du Champ de Mars", "Le Petit Lieutenant" et "Ne le dis à personne". En 2007, il réalise son premier film, "24 mesures", suivi en 2011 de "Des vents contraires". Le sujet : En 1957, le jeune Yves Saint-Laurent est l'assistant de Christian Dior, alors que sa famille est encore à Oran. Quand Christian Dior meurt, Yves Saint-Laurent se voit propulsé à 21 ans à la tête de la création de la plus prestigieuse des maisons de couture. Lors du triomphe de son premier défilé, il rencontre Pierre Bergé. Quand il est chassé de chez Dior après son internement psychiatrique lors de son incorporation, ils décident ensemble de monter leur propre maison. La critique : J'ai vraiment un problème avec les biopics : l'intérêt du genre me dépasse. A quoi ça sert de nous raconter une histoire qu'on connait, et comment résumer cinquante ans d'une vie en moins de 120 minutes ? A moins de choisir un moment bien précis et une problématique particulière, comme dans "Truman Capote" ou "Camille Claudel 1915" - mais sommes-nous alors encore dans le genre ? -, les biopics se réduisent bien souvent à une reconstitution minutieuse et souvent compassée, et à une performance d'acteurs. Disons-le tout net, c'est encore une fois le cas avec "Yves Saint-Laurent". Que nous raconte Jalil Lespert ? Que YSL était maniaco-dépressif et qu'il ne connaissait le bonheur que deux fois par an lors des défilés, et que malgré les coups de canifs dans le contrat, l'histoire d'amour entre Pierre Bergé et lui a duré cinquante ans. Ces deux idées sont étirées tout au long du film, et on n'apprend pas grand-chose d'autre, notamment sur l'activité de création du couturier. Une des seules scènes qui l'évoque nous le montre en train de dessiner, à la recherche de l'inspiration. Il regarde son crayonnage multicolore, semble avoir une idée, et va chercher un livre d'art dans sa bibliothèque : et hop, on vient de voir naître sa collection Mondrian ; facile, non ? Je parlais de reconstitution respectueuse et guindée. Pierre Bergé a autorisé l'équipe à tourner dans les vrais lieux : l'appartement du 5, avenue Marceau, l'atelier du styliste et le Jardin Majorelle à Marrakech. De même, les robes présentées lors des défilés sont les originaux prêtés par la Fondation gérée par Pierre Bergé, ce qui nous permet d'en admirer la beauté, mais ce qui a surtout obligé les mannequins à ne les porter que deux heures par jour afin de ne pas les abimer, et même la monture des lunettes est la vraie ! Résultat, l'impression d'être dans un musée, renforcée par une photographie sépia plutôt moche, et quand ce n'est pas le Musée Grévin, quand on voit défiler Jean Cocteau, Bernard Buffet ou Karl Lagerfeld... Jalil Lespert a expliqué : "Il n’y a pas de choix de mise en scène a priori. Je ne suis pas dans la posture car je crois qu’il faut utiliser à bon escient tout ce qui permet de réaliser le meilleur film possible. Si il faut utiliser une steadyCam, une grue, un rail ou toute autre technique possible de mise en scène, je le fais volontiers pour rester au plus près du sujet. Pour moi, le sujet est porté par l’acteur et par la situation à jouer et c’est donc la -dessus que je me concentre." On voit bien à l'écran ce choix de la priorité donnée aux acteurs, et celui de l'absence de choix de mise en scène. Alors oui, la performance de Guillaume Gallienne, et surtout celle de Pierre Niney impressionne. Il a su retrouver le phrasé particulier du couturier, incarner ce mélange de résolution farouche et de désespoir, partageant avec son modèle une ascension fulgurante, et on peut commencer à parier sur lui pour la compression 2015. Plusieurs critiques ont utilisé l'image de l'album qu'on feuillette, et elle est assez juste : certaines scènes sont plutôt réussie, y compris celles qui montrent un Pierre Bergé possessif et colérique, mais il manque un point de vue sur les bouleversements sociologiques et artistiques de ces années-là, qu'on regarde comme les convives de la Villa Majorelle le font des événements de Mai 68, aperçus à la télé, de loin et sans grande émotion. Cluny